Denis Michelis - Amour fou

Dans une ville côtière nichée entre d’abruptes falaises et une campagne paisible, une jeune femme est retrouvée noyée. Faute de preuves, son harceleur échappe de justesse à la prison. Des années plus tard, on découvre le cadavre d’une deuxième victime, au même endroit, en contrebas du Belvédère...

 

Mon avis : 

 

Ne vous fiez pas à la couverture douce et sucrée de ce roman qui se révèle psychologique et tordu, un réel plaisir à découvrir ! 

 

Barnabé, harceleur reconnu et malade mental (il a tendance à prendre ses fantasmes pour des réalités), revient chez ses parents après un séjour en hôpital psychiatrique, séjour qu'il a dû faire suite à la mort de sa copine, retrouvée noyée. Il n'a jamais été reconnu coupable de meurtre - faute de preuves - mais de harcèlement, il l'a été, raison pour laquelle il a été obligé de se soigner. Il revient dans dans le manoir bourgeois de ses parents qui musèlent ses pensées et ses déplacements. Seulement, une autre jeune femme est retrouvée morte au même endroit. Tout laisse penser à un suicide, mais un témoin affirme avoir vu Barnabé roder autour de la maison de la victime et ce, plusieurs fois. 

 

Avec ce roman, on plonge dans la tête de tous les protagonistes puisque les chapitres, très courts, sont narrés selon le point de vue de Barnabé, de son père, de Thomas (policier), de Célia (amie de la seconde victime) et de Joanne (collègue de Thomas). Cinq protagonistes prennent la parole, cinq voix, cinq points de vue. J'ai aimé cette construction (comme j'aime la double - ou plus - temporalité) qui apporte une réelle profondeur à l'histoire. De façon générale, avoir différents points de vue permet, et c'est paradoxal, d'en savoir plus et en même temps de nous flouer puisqu'un même évènement est perçu différemment selon qui le vit. 

 

Barnabé, coupable idéal, qui a clairement un problème, entend une voix. Une voix qui lui dit quoi faire, comment faire. Une voix qui l'accompagne et dont il apprécie la présence. L'un des gros problème de Barnabé est qu'il aime être amoureux. Il voit une femme et si elle a le malheur de sourire, il en tombe amoureux. Il l'appelle son Amoureuse et dès lors, se fait un film avec l'aide de la voix. Cette mise en avant de Barnabé fait de lui le coupable parfait mais on se doute, nous lecteur, que ce n'est pas si simple. On s'attarde à chercher le détail qui fera tilt et désignera le vrai coupable. 

 

Plus on avance dans notre lecture, plus l'auteur nous trimballe de surprise en surprise et brouille les pistes puisque l'on réalise que tous les personnages ont un grain (si je puis dire !). Entre la mère psycho rigide, le père qui ne veut plus être dans la même pièce que son fils, Célia qui sème le doute à force de désigner un coupable ou encore, Thomas, le flic au bord de la dépression qui voit en Barnabé un tueur en série, tous semblent de potentiels criminels. 

 

Vous l'avez compris, nous tenons là un bon thriller psychologique qui, à l'image de la couverture représentant des pommes d'amour, met en avant des personnages qui, sous la douceur présentée cachent des secrets acides et dévorants. Tous ne sont pas mauvais, mais certains sont très toxiques les uns pour les autres. L'auteur prend tout de même le temps de tous les dépeindre, presque naïvement au départ, pour les noircir petit à petit. On serait presque tenté d'avoir de la peine pour Barnabé, mais au fur et à mesure, cette peine s'estompe. Un roman construit selon différents points de vue mais une construction habile qui réunit, de temps en temps, les personnages, au moment où on s'y attend le moins. 

 

La plume est agréable et fluide. Roman noir mais plume qui se veut teintée d'humour, l'auteur n'en abuse pas et parsème de touches humoristiques son texte afin d'alléger l'atmosphère oppressante. 

 

"Je vous répondrai, votre honneur, que c'est le manque de temps, bien sûr, car le temps file à toute allure, il faut faire des choix parmi ses fréquentations, surtout quand on n'en manque pas, qu'on ne souffre pas de solitude ou qu'on possède le luxe suprême de pouvoir choisir la solitude plutôt que la subir."

 

Jusqu'où peut-on aller par amour ? Jusqu'où peut-on aller pour être aimé ? C'est un peu le fil rouge de ce roman. Amoureux de l'amour, de l'amour fou, passionné, Barnabé ne connait pas de limites : l'amour obsessionnel. La mère de Barnabé fait tout pour satisfaire son fils comme lui confectionner de bons petits plats : l'amour maternelle. La collègue de Thomas qui franchit une limite pour cet homme qu'elle aime secrètement : l'amour à sens unique. Les exemples sont nombreux et laissent songeur sur cet amour fou dont il est question : est-ce l'amour passionné ou l'amour folie ? L'un est bon, l'autre est mauvais. Bien qu'au fond de moi, je pense que les deux sont mauvais ! Mais ici, l'auteur pointe cet amour fou qui nous conduit à faire l'impossible pour l'être aimé.

 

Il frôle le coup de cœur. Il le frôle sans en être un car il me manque quelques éléments comme l'empathie. En effet, je n'ai été attirée par aucun des personnages, aucun ne m'a séduite ou peinée comme je l'attends d'un coup de cœur. J'ai trouvé que, même s'ils sont approfondis dans leurs névroses, ils sont restés superficiels. Et puis, la fin... Il manque une réponse, si bien que je suis dans le flou et ça me frustre. On ne peut qu'imaginer...

 

Note : 18/20 

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