Jane Austen - Raison et sentiments

En amour, comme en tout, rien n’a changé depuis le XIXème siècle de Lady Jane. Si la fougueuse Marianne s’abandonne à une passion qui menace de lui brûler les ailes, la sage Elinor prend le risque de perdre l’amour à force de tempérance. Raison et sentiments : impossible équation ?

Les deux jeunes femmes devront apprendre de leurs vacillements. Pour le meilleur et pour le pire. 

 

Mon avis:

 

Comme beaucoup, je connaissais Jane Austen, mais de nom. Jamais, je n’avais eu l’occasion, et peut-être l’envie, de la lire. Seulement, il y a quelques mois, j’ai vu le téléfilm Jane (dont le rôle principal est tenu par Anne Hathaway) et là, je me suis dit "Mon Dieu, mais quelle vie passionnante elle a eu Jane !". Après quelques vérifications sur le net, il s’avère qu’elle a bien eu une relation avec Thomas Lefroy, mais pas au point de s’enfuir avec lui. Non, leurs familles s’opposant à cette union ont tout fait pour les séparer. Un fait avéré est que Thomas, qui a épousé une autre femme que son grand amour, a donné le prénom Jane à la première de ses filles. A ce sujet, on peut se demander si son épouse est réellement au courant de ce désir d’appellation.

 

Quoi qu’il en soit, même romancée, la vie de Jane Austen m’a semblé si passionnante que j’ai décidé de découvrir ses romans, au demeurant peu nombreux, car quand on en lit un, on adhère tant au style qu’il semble qu’il n’y en ait pas assez pour se satisfaire. J’ai donc commencé par Raison et Sentiments.

 

Dans ce roman, Jane oppose deux caractères amoureux : la raison et les sentiments. Nous avons la douce Elinor qui prend sur elle lorsqu’elle apprend que son amour, Edward, doit épouser une autre femme, femme à laquelle il ne renonce pas même quand sa propre mère le renie devant cette obstination à faire, selon elle, un mauvais mariage. De l’autre, nous avons la fougueuse Marianne qui, dans le plus grand secret, s’engage auprès d’un homme, qui sans rompre officiellement avec elle, épousera une autre femme. Les deux sœurs vivent au même moment, des tourments qui vont les affecter de différentes manières. Marianne laissera libre court à sa peine. Un tantinet égoïste, son chagrin l’empêchera de voir ce que sa sœur aînée tente de lui cacher. Son amour pour Willoughby était si passionné, que la fin la mènera presque aux portes de la mort. Face au désespoir de sa sœur, Elinor reste bien seule avec son propre chagrin. Son Edward qui va se marier.

 

Jane a écrit ce roman l’année où elle fréquentait Thomas. On peut lire, à travers les lignes, les deux personnalités de l’auteur. Elle est à la fois Elinor et Marianne, la réserve et la passion, la raison et les sentiments. Peut-être Jane avait-elle au fond d’elle, le désir de vivre la vie de Marianne avec Thomas ? Nous ne le saurons jamais !

 

Le style de Jane Austen est un délice à lire. Un style qui me fait penser à celui d’une conteuse. La tournure des phrases est particulière, cela donne du charme au roman: "Il n’est pas nécessaire d’exposer en détail comment il s’affermit dans sa résolution, comment l’occasion se présenta bientôt de s’expliquer, comment il s’exprima, ni comment il faut reçu. Il suffira de dire que, quand ils se trouvèrent tous à table à quatre heures, trois heures environ après son arrivée, il s’était assuré la main d’Elinor".

 

Grâce à ses deux protagonistes, Jane nous laisse entrevoir les contraintes liées à l’époque : les bons mariages, les mauvais mariages, l’obligation de rendre visite, … Il faut s’en douter : Elinor se plie, même contre sa volonté, à toutes ses obligations tandis que Marianne se permet d’inventer des prétextes afin de se dérober. Le caractère bien trempé de Marianne, ses pensées, ses réparties, sont un régal pour nous lecteurs : "Ce n’est pas le temps ou l’occasion qui déterminent l’intimité, c’est une question de disposition. Sept ans ne suffiraient pas à certaines gens pour arriver à se connaître, et, pour d’autres, c’est trop de sept jours", mais aussi "Un homme qui ne sait que faire de son temps ne se fait pas scrupule de le faire perdre aux autres" ou encore "Marianne fit l’économie de la méprisante irritation et de l’agacement qu’aurait dû exciter sa façon impertinente de les regarder. Elle ne s’attacha pas, non plus, au ridicule de ses manières lorsqu’il déprécia, tour à tour, les différents coffrets qu’on lui présentait, car elle demeura parfaitement inconsciente de tout cela". Elinor est beaucoup plus modérée : "Une pareille conduite, si exactement opposée à la sienne, ne parut pas plus méritoire à Marianne que la sienne ne lui avait semblé fautive. Pour elle, la maîtrise de soi s’analysait facilement : pour les sentiments profonds, elle était impossible ; pour les sentiments calmes, elle ne comportait aucun mérite. Que les sentiments de sa sœur fussent calmes, elle n’osait le nier, bien qu’elle rougît de la reconnaître ; et, quand à la force des siens, elle en donnait une preuve bien frappante en continuant à aimer cette sœur en dépit d’une conviction aussi mortifiante".

 

Au travers de Marianne et d’Elinor, Jane critique le monde dans lequel elle vit, et quand elle ne le fait pas au travers de ses personnages, elle le couche, tout simplement, par écrit : "En dépit de toutes les améliorations et embellissements qu’il avait entrepris à Norland, en dépit des millions de livres qu’il avait failli vendre à perte, on ne découvrait aucun signe de cette indigence à laquelle il avait essayé de faire croire, aucune pauvreté n’apparaissait si ce n’est dans la conversation ; mais là, le déficit était considérable. John Dashwood ne trouvait pas grand-chose à dire et sa femme encore moins. Mais cela ne tirait pas à grande conséquence, car c’était tout à fait le même cas pour la plupart de leurs invités, qui cumulaient à l’envi tous les défauts qui peuvent rendre les gens désagréables, manquant à la fois de bon sens naturel ou acquis, d’élégance, d’esprit et de modération".

 

Raison et sentiments ? Impossible équation ? Je le crois ! Sans rien dévoiler de la fin, pour ceux qui désirent le lire, l’un des deux l’emporte. Mais lequel ? Et puis, est-ce celui qu’on espère ? Tout dépend du caractère de chacun. La pétillante Marianne a-t-elle tort d’aimer trop passionnément, de se laisser emporter par cet amour ? Ou bien est-ce la sage Elinor qui a raison d’accepter les faits, de ne pas faire étalage de sa souffrance ?

 

A tout point de vue, je ne regrette pas d’avoir découvert la talentueuse Jane. Mon seul regret serait peut-être d’avoir trop attendu. Mais, il n’est pas trop tard ! Je le conseille à toutes celles (et tous, pourquoi pas ?!) qui aiment les grandes histoires passionnées !

 

Note: 15/20

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Commentaires: 6
  • #1

    Carré-Lapresad (jeudi, 07 avril 2016 22:39)

    (commentaire du 10 septembre 2013, 11h58)
    J'ai du mal à le finir.
    j'aime pourtant Jane AUSTEN mais j'ai eu le temps de lire 2 autres bouquins en parallèle alors que j'ai commencé celui-là avant.

  • #2

    Les Mots de Gwen (jeudi, 07 avril 2016 22:40)

    (commentaire du 10 septembre 2013, 18h22)
    Tu le lis en ce moment? Courage, c'est vrai que le style n'est plus trop d'époque, mais l'histoire est superbe!!

  • #3

    Carré-Lapresad (jeudi, 07 avril 2016 22:40)

    (commentaire du 11 septembre 2013, 09h04)
    Je suis en train de le lire, oui. J'ai lu Orgueil et Préjugés (avec délice, car j'aime le style et j'étais stressée et excitée - même si je connaissais l'hhistoire - de savoir quand ils allaient déclarer leur flamme). Mais ce que je reproche, c'est que les pages et l'écriture sont trop condensées... J'ai l'impression de ne pas avancer dans ma lecture... Enfin !

  • #4

    Les Mots de Gwen (jeudi, 07 avril 2016 22:41)

    (commentaire du 11 septembre 2013, 19h13)
    C'est vrai que ça fait un peu condensé et ça peu décourager... Prends ton temps, à mon avis tu ne le regretteras pas :-)

  • #5

    Parthenia (jeudi, 07 avril 2016 22:42)

    (commentaire du 22 mars 2014, 12h54)
    Très jolie chronique !

    Raison et Sentiments ne fait pas parti de mes préférés de Jane Austen mais j'avais adoré le parallèle constant qu'elle nous offrait sur la naissance des sentiments amoureux chez les deux soeurs, leur manière de les vivre puis de gérer leur déception totalement différente...

  • #6

    Les Mots de Gwen (jeudi, 07 avril 2016 22:43)

    (commentaire du 22 mars 2014, 18h11)
    Merci :) Même chose pour moi même si je n'en ai lu que 2 de l'auteur, j'ai une préférence pour Orgueil et préjugés. Je suis d'accord avec toi, le parallèle est très bien exploité par Jane Austen qui confronte deux passionnées!