Le Dr Rodney Prince n’a jamais vu une fille comme Kate Hannigan dans le quartier sale et pauvre où il prodigue ses soins.
Sa beauté et son intelligence surpassent de loin celles de Stella, son épouse, si raide, si froide, si calculatrice, et elle exerce sur lui une attirance irrésistible.
Mais leur amour à peine naissant alimente une rumeur malsaine parmi les habitants du quartier. Car il défie toutes les règles de la bonne société édouardienne…
Mon avis:
Avant de vous parler de ce roman, je tiens à remercier les Editions Charleston pour leur confiance renouvelée.
Pour lire Kate Hannigan, il faut prendre en compte que le roman a été écrit en 1950. Aussi, le langage et les codes sont propres à cette époques, ce qui, finalement est facile à retrouver dans une lecture plus contemporaine qui aborde le passé, mais là, c'est différent car l'époque dont il est question n'est pas si lointaine au moment où l'auteure couche ses mots.
Dès les premières lignes, nous savons quelle sera la trame, reste à savoir comment l'auteure va dérouler son histoire. Elle ne nous cache pas la misère, la pauvreté de Tyne Dock. Elle utilise cette condition pour élever son héroïne qui ne masque pas sa soif d'apprendre, de s'émanciper de ce lieu, quitte à être critiquée lorsqu'elle revient. Elle vise loin et haut, aussi bien pour elle que pour sa fille. Au fil des années - près de dix - nous allons apprendre à la connaître. En parallèle, le docteur Prince apparaît de temps à autre dans la vie de Kate. Cet homme aisé est subjugué par cette jeune fille qui, si elle n'est pas d'une beauté flagrante, possède quelque chose qui attire le regard. Malheureux dans son mariage, Kate est le feu lorsque sa femme Stella est la glace. Ils se rencontrent des années durant au moment de Noël, des échanges brefs, courtois, qui s'emplissent un peu plus de sentiments puisque même s'ils peinent à se l'avouer, ils tombent amoureux.
Catherine Cookson nous dépeint une belle romance, mais utilise surtout celle-ci pour dépeindre une époque. En effet, Kate Hannigan est bien plus qu'une simple histoire d'amour, elle est aussi le reflet d'une façon de penser qui peut surprendre aujourd'hui, mais qui était ainsi à l'époque. La religion tient une place très importante dans ce roman. J'ai beaucoup aimé les pensées du docteur vis-à-vis de cela puisqu'il sous-entend que la peur est le moteur d'une adhésion à telle religion. Souvent en désaccord, il respecte cependant les croyances et le besoin de croire. Ceci dit, je trouve osé pour l'époque de parler - ou plutôt d'écrire - si ouvertement et avec une plume si critique, des prêtres qui n'hésitent pas à faire peur aux jeunes avec les Enfers. Le docteur Prince s’intéresse aussi à la psychologie des enfants, un domaine inconnu mais porteur. La violence conjugale tient également une grande place dans le roman, que ce soit une violence physique ou une violence psychologique. En instillant cette violence, l'auteure met en avant le fait que la violence ne se trouve pas que dans les quartiers pauvres, les riches aussi subissent même si ce n'est pas physique. La première guerre mondiale fait son apparition, le docteur est envoyé au front et revient différent. Une mise en abîme assez rapide finalement puisque la guerre est présente sur quelques pages seulement.
SI je devais retenir une chose de cette lecture, ce serait la sincérité avec laquelle Catherine Cookson a raconté l'histoire de Kate. On sent qu'il y a du vécu (je vous rappelle que ce roman a été écrit en 1950), et pour le coup, ce passé transparaît dans les mots. Quand on lit les sentiments de Kate, on imagine que l'auteure est passée par là et cela rend le récit beaucoup plus crédible. Les descriptions des lieux sont superbes, on parvient à visualiser la cuisine ou la chambre sans aucun problème.
Sans vouloir trop m'avancer, je pense que l'auteure a, non pas voulu critiquer, mais écrire, pour que l'on n'oublie pas. Qu'on n'oublie pas qu'il fut un temps où la pauvreté sociale (pas de contact avec des personnes hormis celles du quartier, pas d'accès à l'éducation) et matérielle étaient très présentes, un temps pas si lointain, un temps aussi où l'Eglise régnait sur les peuples en rependant une certaine terreur tout en fermant les yeux sur la violence qui pouvait supplanter l'amour dans certains foyers (se confesser était un acte primordial pour l'époque, un acte qui pouvait effacer certaines mauvaises actions, et encore...), une époque qui réduisait la condition féminine, où le divorce n'était pas permis, où la femme ne pouvait absolument rien faire sans l'aval de son mari. Bref, une époque un peu dure si on la regarde avec nos yeux contemporains.
"Elle avait onze enfants, et Kate frémissait en pensant à l'immense pouvoir de reproduction du Mal..."
Kate Hannigan ne fut pas un coup de cœur mais une très belle lecture. Avec bien des péripéties, Kate et Rodney vont se trouver et ma foi, ils ont fait plonger mon cœur de romantique ! Après tout, quoi de mieux qu'un homme et une femme qui, à première vue, n'ont rien en commun, mais qui bravent les conventions et les interdits pour se laisser vivre heureux ?!
Mon seul regret, c'est la fin: trop rapide, trop lisse, j'en attendais un peu plus. Dommage car c'est certainement le seul point noir de ce court roman.
Note: 17/20
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Marine (lundi, 23 avril 2018 09:40)
Je voulais lire ce roman mais la petite précision qui a toute son importance ( à savoir que le langage date des années 50 ) risque fort de me refroidir. Je ne pense donc pas le lire, préférant garder l'envie et ne pas gâcher mon plaisir.
Les Mots de Gwen (jeudi, 03 mai 2018 20:54)
En effet, si juste cette précision freine ton envie de le découvrir, tu peux passer ton tour. Dans le registre contemporain, il y a beaucoup de choix, de quoi te satisfaire !