Matthieu Noli - Quatre enterrements et un mariage

Bienvenue chez les Kerniguet.

Voici Christobal, le père, aventurier raté, homme d'affaires calamiteux, sculpteur obscène et mari infidèle. Et puis ses trois fils : Ronan, l'aîné, arrogant et dominateur ; Paul, informaticien bretonnant à la digestion difficile ; et enfin Archibald, journaliste indécis aux tentations multiples. Voilà Tina et Gwen, les épouses de Ronan et de Paul, qui s'observent en chiennes de faïence. Sans oublier Odin, Thor et Mirabelle, la troisième génération, disloquée et dégingandée, d'où viendra pourtant le salut. Enfin voilà Isadora, la sœur de Christobal, qui vit avec une douzaine de matous atrabilaires et se passionne pour les vies antérieures.

Tout ce petit monde s'agite, se surveille, se dispute et se réconcilie enfin dans une comédie échevelée, qui est en même temps une satire clairvoyante et déjantée d'une époque où le consternant le dispute au ridicule, une époque finalement plus bourgeoise que décadente.

 Mon avis :

 

Quatre enterrements et un mariage… Et pas une larme de versée mais des sourires amusés !

 

Les trois fils de Christobal ont chacun un caractère… particulier. Nous avons Ronan, un bourgeois parisien mari de Tina et père de Thor et d’Odin, des jumeaux. Déjà, avec un nom pareil, on se pose des questions ! Ronan, c’est une caricature poussée à l’extrême du friqué arrogant : par exemple, lui, ou sa femme, n’hésite pas à glisser un billet de 100€ dans les poches de leurs fils pour les contraindre à assister à un dîner. Ou encore, il décrète que la mousse de foie, c’est pour les pauvres. Avec des gamins dont il ne voit pas qu’ils se droguent et une femme qui ne vit que pour la taille 34 et l’apparence, on peut dire que la famille de Ronan a un léger grain ! Ensuite, vient Paul, époux de Gwenaëlle et père de Mirabelle. Lui, il ne vit que dans la compétition d’avec son frère aîné. Ronan annonce que Tina est enceinte, Paul va se donner à fond pour que sa femme le soit aussi. Et la notion de compétition atteint aussi Gwenaëlle qui veut chaque fois faire mieux que sa belle-sœur. Enfin, Archibald, peut-être le plus sensé des trois. Perpétuellement dans l’hésitation, il se refuse à prendre parti pour l’un ou l’autre de ses frères et continue à vivre sa vie de célibataire infidèle au gré de ses envies.

 

Déjà particulière, la situation va dégénérer quand, à la suite du décès de leur père, ils vont découvrir un frère caché… Une part de moins pour l’héritage ! Sans oublier la sœur du défunt qui revendique le sien ! Tous les coups sont permis et de tous, je dirais que Ronan est le plus perfide. Il fera tout ce qui est son possible pour asseoir son autorité sur ses frères.

 

Dès la lecture du titre, on sait à quoi s’attendre : quatre enterrements et un mariage. Le premier, on le connaît - Christobal - mais les trois autres ? Eh bien, je dois avouer que si on pressent une mort, les deux autres m’ont surprise ! Quant au mariage, je l’ai senti venir quelques pages avant la fin.

 

De ce fait, même si l’on sait à quoi s’attendre, on lit le roman dans l’unique but de savoir qui, comment et pourquoi. Au final, Quatre enterrements et un mariage est une réussite. Je ne suis pas pliée en deux par les gags, mais on sourit de lire les manipulations auxquelles se livrent tous les protagonistes, manipulations qui se retournent parfois contre eux. Un retour de bâton, tout simplement ! Un bon sujet, c’est bien, mais bien l’écrire, c’est mieux. Et là, je dois avouer que l’écriture m’a énormément séduite. Bien sûr, chaque auteur écrit dans le but de raconter une histoire, mais Matthieu Noli a ce petit plus qui le classe dans une catégorie à part, une catégorie proche des conteurs : "Christobal de Kerniguet vivait ses dernières heures. Il avait vécu une vie bien remplie. Né le 1er janvier 1930 à 7 heures du matin, à l’heure dite et à la date prévue, il fut ce jour-là matinal et ponctuel pour la première et la dernière fois de sa vie." La fluidité, le style, font de lui une sorte de conteur. Si bien que l’on se laisse porter par son histoire, comme s’il nous racontait une tranche de vie, peut-être la seule tranche importante des frère Kerniguet.

 

Et en nous contant cette tranche de vie, l’auteur dresse le portrait d’une famille mais surtout, d’une société : le culte du corps, de l’apparence, la prétention et l’arrogance des bourgeois, les ambitions avortées, … Une véritable satire sociale !

 

La seule remarque que je ferais, c’est que parfois, la réaction n’était pas crédible. Je n’en dirais pas plus, si ce n’est qu’à trois ou quatre reprises, je me suis laissée dire qu’une personne normale ne peut pas réagir comme le fait tel personnage. Mais cela rejoint l’idée, et du conteur, et du conte, qui veut que les choses ne soient pas toujours crédibles !

 

Quatre enterrements et un mariage, un roman divertissant, amusant, cynique, provoquant et moqueur !! Le premier roman de Matthieu Noli, à lire absolument !

 

Note : 15/20

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