Sylvie Aymard - C'est une occupation sans fin que d'être vivant

C'est l'histoire courte et tourmentée d'Anna, jeune femme issue d'une famille qui semble sortie d'un conte : une mère brutale et diabolique, un père solitaire, deux frères ; l'un dévoré d'amour pour sa sœur et l'autre voué à la malédiction.

Cette héroïne émouvante traverse la vie sans y toucher, mais elle s'obstine à essayer de changer son destin, et nous emmène avec désinvolture au plus profond d'un combat acharné : vivre à tout prix le temps qui nous est imparti.

 

Mon avis :

 

A tout juste 40 ans, Anna meurt en faisant son jogging. Malaise ? Pas du tout. Elle est assassinée. Par qui ? Pourquoi ? C’est ce qui nous préoccupe nous lecteur, mais au lieu d’obtenir une réponse en assistant à l’enquête, nous allons tenter de comprendre Anna. Ou plutôt, elle va nous expliquer qui elle est.

 

Mais avant de vous parler de ce roman, je tiens à remercier les Éditions Grasset qui avec deux romans, m'ont permis de découvrir de superbes auteurs !

 

Le récit entremêle les souvenirs de l’enfance d’Anna (racontés à la troisième personne), mais aussi ceux de son plus jeune frère, de ses parents, ainsi que des extraits de son journal intime. Ainsi, nous apprenons qu’Anna a grandi au sein d’une famille de restaurateurs, entre une mère joliment surnommée Duchesse et un père qui n’a de père que le nom (et encore !), il cède tout à sa femme, ne s’implique pas réellement. La mort accidentelle de son petit frère oblige sa mère à prendre des mesures radicales avec cette fille qu’elle n’aime pas : elle l’éloigne et l’envoie chez une tante à Paris. Pendant des années, Anna va grandir avec cette adepte de la nicotine et des hommes, jusqu’à ce qu’on lui apprenne qu’elle a un autre frère : Edgar. Edgar qui bien sûr, ignore qu’il est le remplaçant. Quand il vient s’installer, d’abord chez Anna, puis au-dessus de chez elle, se noue une relation étrange entre eux. Anna s’amuse à le charmer et lui, complètement subjugué, voue une véritable admiration à sa sœur.

 

Mais Anna refuse de se laisser emprisonner dans un destin qu’elle ne trouve pas à son goût. Sa rencontre avec Martin, est une délivrance pour cette femme qui entrevoit la possibilité de vivre. De vivre enfin. Car, nous comprenons en lisant les extraits de son journal, qu’Anna n’a pas eu une vie facile : des amitiés étranges, des hésitations, des décisions, des choix, des errances qui ressemblent à des fuites, … Lorsqu'elle meurt, elle s’apprêtait à vivre.

 

Un roman qui nous captive - voire nous hypnotise - dès le début, dès le premier chapitre, quand Anna est assassinée. Un roman dont on tourne les pages en attendant de savoir par qui et pourquoi. On se dit que forcément, le nom du coupable va surgir d’un coup, mais que certains indices nous serons disséminés de-ci de-là au fil des pages. Donc on lit, on lit. On lit et on apprend à connaître cette famille Mott dont les "enfants ne sont que de passage". Comment bien grandir quand on se sait haït (c’est le cas d’Anna) ou étouffé (Edgar) ?

 

Anna, c’est une femme émouvante et attendrissante au destin plus que bouleversant. Tragique même. Lire tout ce qui lui est arrivé par le passé et constater qu’au moment même où sa vie emprunte la longue route du bonheur, celle-ci prend fin brutalement et sans raison, ça laisse sans voix. On referme le livre en songeant qu’Anna a toujours vécut dans l’attente de la délivrance que seul l’amour d’un homme pouvait lui procurer. Et malheureusement, elle ne vivra pas assez longtemps pour en profiter.

 

Le titre - C’est une occupation sans fin que d’être vivant - est superbe car selon, on peut l’interpréter de différentes façons: 

  • Si l’on insiste sur le "que", on peut imaginer qu’Anna a passé son temps à compter les jours à vivre, respirer, manger, tel un automate, sans prendre connaissance du réel bonheur.
  • Si l’on s’attarde sur le mot "vivant", on peut l’interpréter comme le souvenir qu’elle laisse derrière elle, et que de là où elle se trouve, elle va l’entretenir dans la mémoire de celui qu’elle abandonne contre son gré.
  • Il est possible aussi de supprimer le "sans fin" ce qui ôte ainsi l’idée que vivre n’a pas de limites.
  • On peut aussi - et c’est l’interprétation que je préfère et qui est explicite à la lecture du résumé - comprendre qu’il faut vivre, vivre coûte que coûte, car si on sait quelle sera la fin, on ne sait pas quand. Occuper un lieu, un espace, une personne. Notons que le mot "vivant" est écrit au masculin et non au féminin, ce qui inclut la généralité.

 

Bien sûr, mon interprétation n’est pas forcément la bonne, cela dit, j’ai trouvé que C’est une occupation sans fin que d’être vivant est un roman indispensable à toutes bibliothèques : une écriture simple mais franche qui engendre une certaine fluidité dans la lecture. Pas de temps morts, Sylvie Aymard ne s’attarde pas sur des détails du passé d’Anna, elle ne raconte que ce qui a de l’importance et nous livre de ce fait quelques tranches de vie de son héroïne. Elle parvient à faire transparaître des émotions par le biais du journal d’Anna, des émotions tantôt tristes, tantôt agréables, des émotions qui font d’Anna une jeune femme qu’on prendrait bien comme amie.

 

Note : 16/20

Coup de cœur !

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Commentaires: 3
  • #1

    Plume Sensible (lundi, 04 avril 2016 15:57)

    En plus, je trouve qu'il a un très joli titre! :D

  • #2

    benebooks (lundi, 04 avril 2016 23:03)

    Très belle chronique, j'en prends bonne note et le met dans ma wl pour le découvrir à mon tour ça pourrait être sympa, il m'intrigue beaucoup

  • #3

    Les Mots de Gwen (mardi, 05 avril 2016 10:48)

    @Plume Sensible: oui, un très joli titre qui donne à réfléchir!

    @benebooks: je te souhaite de le découvrir, j'en garde un très bon souvenir :)