Laurent Graff - Au nom de sa Majesté

Malade du monde, rétif à autrui et se défiant de tous les autres, Laurent Graff se soigne à fortes doses d'insuline. L'insuline étant, je n'apprends rien à personne, une tendance prononcée à l'exil insulaire, à l'insularisation forcenée : le «je» se fait île, l'il s'isole, se désempoisse du commun, se barde de solitude, s'encapsule, devient un électron libre de toute attache. Opération délicate vu la fragilité de votre bulle offerte à toutes les crevaisons. D'où le choix d'une île loin de tout, une vraie, petite et bien bretonne, rongée des flots et battue comme plâtre par les vents, avec de vrais morceaux d'îliens en surface. Seul, en location estivale, Graff nous fait les honneurs du lieu, d'abord à coups d'haïku minéraux, copeaux de mots qui donnent du lieu une vision éclatée, kaléidoscopique. On entre ensuite dans le vif du sujet : un mémorable conseil municipal improvisé réuni chez Graff à la suite d'une rumeur récurrente, le possible tournage du prochain James Bond. Et Graff de nous offrir même, en exclusivité, un fragment de scénario hallucinant. Mais arrive le temps où il faut rentrer, sur le continent et dans le jeu, consentir à se désinsulariser. Retour sur soi pour finir, bilan sur seize ans d'écriture, 1' «il mystérieux» de Laurent Graff dissipe la brume, ébauche ses contours.

 

Mon avis :

 

Merci aux Éditions Le Dilettante pour cet ouvrage qui, je le reconnais, traîne dans ma PAL depuis la fin de l'hiver, mais je n'avais pas encore trouvé l'occasion de le lire.

 

Tout le monde le sait, un résumé joue sur le choix d'un livre, le nom de l'auteur aussi tout comme la couverture. Ici, je vais être franche, la couverture à elle seule ne me donnerait pas du tout envie de me plonger dans ce roman. Mais le résumé... mystérieux, il faut le reconnaître, m'a tentée.

 

Dès les premières pages, j'ai été surprise de lire quelques lignes, parfois une phrase, par page. Grosso modo, toute la première moitié se résumé à ça. Des idées, des phrases, jetées sur papier et qui, je dois l'admettre, ont parfois des accents de vérités ! Cette première moitié concerne l'île en général, l'idée que s'en fait l'auteur (car le narrateur est l'auteur), au gré de ses promenades. Il plante ainsi le décor pour le lecteur qui découvre l'atmosphère du livre. La seconde moitié couvre davantage les pages et se veut plus intimiste. Se met en place un huis clos avec trois personnalités de l'île et le narrateur. Si la conversation débute avec l'hypothèse du tournage d'un film de James Bond, on en vient rapidement à se prendre au jeu et, l'alcool aidant, on s'y croirait presque !

 

"C'est en faisant la vaisselle qu'on mesure sa solitude: un verre, une assiette, un couteau, une fourchette. Quand l'évier déborde, c'est jour de fête."

 

L'île, un paradis d'évasion ou une forteresse, une sorte de prison, dans laquelle chacun sait ce que fait l'autre ? Sans répondre totalement à la question (car les avis divergent forcément selon ce que l'on recherche), l'auteur nous offre une sorte de scène totalement délirante qui, je l'avoue, m'a un peu perdue par moment. En fait, ce livre est inclassable tant il sort de l'ordinaire. Parfois, je me perdais dans les réflexions, les idées, et malgré cela, j'ai passé un bon moment.

 

"Un pêcheur part prélever son quota: petite seringue blanche piquant l'océan."

 

Elle pourrait être qualifiée de troisième partie, mais je pense qu'elle s'intègre très bien dans la seconde, ce passage dans lequel l'auteur se livre de façon intime, sur ses ressentis. Je trouve, avec le recul, que la première partie et cette troisième se rejoignent et même mieux, se complètent.

 

La mise en page peut en dérouter certains. Les thèmes abordés aussi. Le style j'en conviens. Et pourtant, le style est bon, on sent que l'auteur manie parfaitement la langue française. J'ai beaucoup aimé le ton employé pour décrire la solitude qui s'empare d'un homme lorsqu'il vit sur une île avec finalement, des problèmes identiques (chômage, alcool, ...) à ceux rencontrés sur le continent. Donc finalement, une île, est-ce un petit bout de paradis ?

 

Note : 15/20

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Commentaires: 2
  • #1

    velidhu-QueLire? (mardi, 29 mars 2016 16:33)

    (commentaire du 08 août 2015, 16h15)
    Je dois avouer qu'il me tente assez bien ce livre. L'histoire semble être intéressante et le style paraît particulier. Je note !

  • #2

    Les Mots de Gwen (mardi, 29 mars 2016 16:34)

    (commentaire du 12 août 2015, 14h52)
    C'est tout à fait ça: intéressant et particulier :)