Marie Vareille - Ainsi gèlent les bulles de savon

« Certains choix nous définissent à tout jamais, celui-ci en fait partie. À partir d’aujourd’hui, je peux bien écrire la neuvième symphonie, sauver le monde d’une troisième guerre mondiale ou inventer le vaccin contre le sida, on ne retiendra de moi que cet acte innommable : j’ai abandonné mon bébé, toi, mon minuscule amour aux joues si douces.

Puisses-tu un jour me pardonner. »

Trois pays, de vibrants portraits de femmes aux destins entrecroisés. Quel est le lien qui les unit ? Quelle est leur véritable histoire ?

 

Mon avis : 

 

Une fois de plus - sans surprise - Marie Vareille a su capter les émotions à la perfection pour nous les transmettre et ainsi, vivre pleinement les histoires de ses héroïnes. 

 

Le roman nous parle de Claire, Océane et Eva. un peu de leurs vies, de leurs réussites, de leurs échecs, de leurs peurs. Les chapitres s'alternent et nous permettent d'avancer à leurs cotés. Claire, jeune femme enceinte, débute sa grossesse sur un petit nuage pétillant (si cela est possible !). Mais petit à petit, ce petit nuage se teinte de gris et Claire, sans réellement s'en rendre compte - dans le sens où elle ne le nommera pas - s'enfonce dans la dépression. Elle vit mal la fin de sa grossesse et encore plus mal la naissance de sa fille. Au début de sa grossesse, elle trouve un travail grâce à son amie Eléonore et côtoie une auteur réputée: Eva Diaz. Eva, qui a trois garçons et un mari aimant, possède aussi une tendance à repousser les échéances. Elles vont échanger platoniquement et se lier, d'une certaine manière, d'amitié. Puis on a Océane, dont on cherche le lien dans cette histoire, une jeune fille de presque vingt ans qui vit avec son père suite au divorce de ses parents. Introvertie, elle est rabaissée par son père, mais fait une rencontre qui va changer sa vie. 

 

On le sait, ces trois femmes ont un point commun, et si tous les chapitres les concernent, nous avons des chapitres dont nous ignorons qui est l'héroïne. Ecrits en italiques, sous forme de journal intime, ils nous parle d'une femme qui a tout quitté - mari, enfant, pays - pour se retrouver. Se retrouver elle même. Elle était dévorée par une force inconnue qui l'a poussée à prendre le large. 

 

Marie Vareille dresse le portrait de femmes fortes et réalistes. Je dois avouer que je me suis un peu retrouvée en Claire, non pas que j'ai fait une dépression, mais sur certaines de ses interrogations, tout à fait légitimes, au demeurant, qui, je pense, traversent toutes les femmes qui deviennent mère. On s'attache à ces femmes qui ont souffert et qui doivent toujours se relever. 

 

Avec ce roman, Marie Vareille évoque différents thèmes très forts car peu abordés dans la littérature: la dépression post-partum, la trahison, l'abandon. 

 

La dépression post-partum a le droit à une grande place dans ce roman car, au fil des pages, on réalise bien des choses (mais je ne peux pas trop en dire). Je trouve que Marie Vareille a mis les mots justes sur une situation réelle. Elle n'a pas fait de Claire une dépressive qui reste au fond de son lit. Non, elle a fait d'elle une femme forte qui cache ses émotions car elle a conscience que les apparences sont vitales. Elle ne doit pas se plaindre, ne doit pas déléguer, ... au risque d'entendre des critiques. Marie Vareille aborde la maternité en disant la vérité, celle qui se murmure car il ne faudrait pas que tout le monde l'entende, celle qui met en avant les difficultés, le bouleversement et la perte d'un monde. En toute franchise, sortir des sentiers battus qui nous disent que tout est beau tout est rose, ça fait du bien. Claire nous touche, Eva aussi, tout comme Océane. 

 

D'Eva, on aime sa distance qui est le réel reflet d'une souffrance conservée en son sein. On la sent fragile, presque sur le point de défaillir, mais elle sait se ressaisir pour ne rien montrer. Le masque tombe au bon moment, celui au cours duquel elle sera d'un grand soutien. 

 

Océane est le mystère de ce roman. On ne comprend pas trop le lien qui la relie à Claire et Eva. On suppose, tout au plus. Sa sensibilité m'a touchée, tout comme sa façon d'appréhender le monde. On a de la peine quand on voit quel genre de relation elle entretient avec son père, la façon dont celui-ci la considère ; ça donnait, par moment, envie de la secouer, mais on réalise rapidement qu'elle a été conditionnée, de ce fait, on ne peut pas lui en vouloir. 

 

"Il n'y a que deux choses en ce monde qui ont de la valeur, (...), l'amour et la liberté. Si tu dois choisir entre les deux, choisis toujours la seconde, car il n'y a pas de vrai amour sans liberté."

 

En introduisant une femme dont on ignore l'identité, mais qui se livre intimement, Marie Vareille joue avec notre cœur. Car, on le lit, cette femme a souffert et, si elle ne s'en veut pas et ne regrette pas son geste, on a le cœur qui se sert quand on lit ses pensées couchées sur le papier. L'identité reste un mystère presque jusqu'au bout, celle-ci étant révélée au moment le plus juste. 

 

Une fois de plus, Marie Vareille m'a transportée. Elle fait partie de ces rares auteurs qui nous bouleversent en raison d'une sincérité des émotions qui ne peuvent pas laisser insensible. On a mal avec Claire, on pleure avec Eva, on est anéanti avec Océane. 

 

"Tu fais le deuil d'une période qui a été heureuse pour toi: celle de ta grossesse. Elever un enfant, c'est lui apprendre à s'éloigner alors que tu voudrais le retenir. On parle toujours des premières fois, mais chaque première fois sera suivie d'une dernière fois. La dernière fois que tu la verras marcher à quatre pattes, la dernière fois que tu lui donneras son biberon, la dernière couche que tu changeras, la dernière fois que tu la porteras dans tes bras, la dernière fois que tu l'emmèneras à l'école, la dernière fois que tu refermeras la porte de sa chambre après lui avoir dit bonne nuit... C'est une succession de petits deuils et le premier de ces deuils, c'est l'accouchement."

 

Vous l'avez compris, Ainsi gèlent les bulles de savon est un coup de cœur ! Et si le titre est un mystère pour vous, il faudra que vous lisiez le roman pour le comprendre ;-) Lire un roman de Marie Vareille, c'est l'assurance de passer un excellent moment qui joue sur nos émotions, c'est la sécurité du plaisir et même si l'ascenseur émotionnel est plus que présent, il est douloureusement agréable de le ressentir. 

 

Note : 19/20

Coup de cœur ! 

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