Martin Suter - Le temps, le temps

Peter Taler peine à continuer à vivre : depuis que son épouse Laura a été tuée au bas de leur immeuble, le chagrin et le désir de vengeance l'assaillent. Il est toutefois décidé à mener sa propre enquête. Les indices sont faibles. Seule demeure une infime impression du jour tragique : quelque chose, dans son panorama quotidien, n'est plus pareil...

Son voisin Knupp ne cesse de l'observer par la fenêtre et semble s'adonner à de mystérieuses activités. Les deux hommes font peu à peu connaissance, jusqu'au jour où Knupp parvient à enrôler Taler dans son projet fou : celui de mettre le temps en échec et, avec lui, la disparition de sa femme.

 

Mon avis :

 

Avec un titre qui sonne tel un décompte de secondes, Martin Suter nous plonge au cœur d’une histoire qui frôle la limite de la remise en question. Un roman à vous donner le vertige.

 

Peter est un veuf qui refuse la mort de sa femme : il n’a pas touché à ses affaires, continue de mettre la table pour deux, allume des cigarettes pour l’odeur, … En face de chez lui, vit un autre veuf, bien plus âgé : Knupp. Peter observe Knupp ; Knupp observe Peter. Et tous deux prennent des photos de l’autre. Mais pour cet ancien professeur, le temps qui passe depuis la disparition brutale de sa femme vingt ans plus tôt n’est qu’une image, une pseudo théorie inventée par l’Homme. Sur ce point, il a selon moi raison, c’est l’être humain qui a défini ce qu’est le temps et si l’on veut pousser plus loin, on peut se demander si les journées ne font pas 25 heures au lieu de 24 ?! Pour Knupp, le seul est unique indice qui prouve que le temps passe est la modification des choses. C’est pourquoi, il parvient à enrôler Peter (et joue sur son désespoir en lui suggérant habilement qu’il le mettra sur la piste du meurtrier de sa femme) et le convainc de recréer sa maison, son jardin et les alentours tels qu’ils étaient en 1991 ; un jour heureux, sa femme vivante. Peter s’engage alors dans cette aventure, menant en même temps sa propre enquête pour retrouver l’assassin de sa femme.

 

A la lecture des premières pages du roman, je me disais "J’adore ! J’adore ! J’adore !". Après quoi, j’ai eu un moment de flottement et j’ai dû faire preuve de patience en raison des quelques longueurs qui ornent une partie du récit : lorsque sont narrées les différentes étapes du projet ou encore les détails trop nombreux sur les photos. Toutefois, dès lors que Peter met la main sur l’agenda de sa femme, mon intérêt est soudainement remonté en flèche et j’ai été dans l’incapacité de lâcher le livre !

 

Si l’on fait abstraction du délire total qui habite Knupp, le sujet est des plus intéressants. Et l’auteur le manipule à sa guise, posant plusieurs questions par le biais de Peter et y répondant parfaitement via Knupp. Nous sommes presque tentés de croire que les explications du vieil homme sont plausibles ! Jusqu’à un certain point car pour nous lecteurs, accepter que les quelques travaux entrepris par notre équipe de croyants puissent faire revenir la femme de Peter… nous ne sommes pas dupes ! Mais Peter, après une période de scepticisme, y croit tellement que c’en est attachant. Notons aussi qu’en plus de ce bond dans le passé et l’enquête que mène Peter, Martin Suter ajoute une belle magouille financière, ce qui peut prêter à sourire quand on sait que l’histoire se déroule en Suisse !

 

L’auteur joue avec nos nerfs en mêlant deux histoires en un roman : le meurtre de Laura Taler et le projet de Knupp. Elles s’imbriquent très bien ensemble, si bien que tout ceci est douteux. Et puis, le fait que Knupp ait pour passion de prendre des photos de ses voisins, c’est un peu glauque ! Certes, c’est pour son projet, cela ne m’empêche pas de songer à la solitude qui motive ledit projet.

 

Peter a-t-il trouvé le meurtrier de sa femme ? Le projet de Knupp a-t-il abouti ? Telles sont les deux questions que l’on se pose du début à la presque fin. Une fin un peu précipitée à mon goût et surtout, une fin qui engendre trop de questions ! D’autant plus que quelques indices m’ont mis la puce à l’oreille au cours de ma lecture.

 

Le temps est une notion difficile à définir car définit différemment selon celui qui l’énonce : pour les physiciens, il est mesurable est donc réel ; pour les philosophes, il n’existe pas de mesure de temps puisque ce terme fut inventé par l’être humain en vue d’accepter les changements dans le monde. A ce propos, l’auteur fait une remarque amusante sur le vieillissement et sur le fait qu’il n’est pas le résultat du temps qui passe mais d’une évolution de nos cellules. Comme je le disais précédemment, on se pose quelques questions en refermant ce roman !

 

Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé Le temps, le temps. Malgré ces quelques défauts, je le trouve captivant car il nous entraîne au milieu de plusieurs théories sans que l’une d’elles ne se vérifie réellement. Sans oublier la plume de l’auteur que je trouve agréable (bien que ce soit un roman traduit) : les deux personnages principaux sont empreints d’une très grande mélancolie et vivent, chacun à leur façon, dans le souvenir de celles qu’ils ont perdues.

 

Merci aux Editions Christian Bourgois.

 

Note: 16/20

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