Jennifer Brown - Hate list

"C'est moi qui ai eu l'idée de la liste. Je n'ai jamais voulu que quelqu'un meure. Est-ce qu'un jour on me pardonnera ?"

C'est ce que pense Valérie, effondrée après un drame inexplicable survenu au lycée.

Son petit ami, Nick, a ouvert le feu dans la cafétéria, visant un à un tous les élèves de la liste. Cette fameuse liste qu'ils ont écrite pour s'amuser et où figurent ceux qui étaient odieux, lâches, méprisants dans l'établissement. Maintenant, ils sont blessés ou morts.

Et Nick s'est suicidé, emportant son secret pour toujours.

Mais Valérie elle, est toujours là, enfermée dans une bulle de questions sans réponses. Jusqu'au matin où elle se lève et quitte sa chambre pour retourner au lycée...

 

Mon avis: 

 

Il y a très longtemps déjà que je souhaite lire ce roman. A la lecture du résumé, on sent qu'il aborde des sujets qui sont, quelque soit l'époque, contemporain. En cela, il ne pouvait qu'être intéressant. 

 

Valérie et Nick filent le parfait amour depuis trois ans. Seulement, ils sont un peu les boucs émissaires des plus "populaires": ils sont moqués, humiliés, ridiculisés. Vient alors à Valérie l'idée de mettre par écrit les noms de ceux qu'elle hait. Ceux qui lui font du mal et qui en font à Nick. Ca la soulage, lui offre un exutoire. Un matin, un incident de trop et Nick décide de venger sa belle. Il ouvre le feu sur ses camarades, visant principalement ceux dont les noms figurent sur la liste. Une par une, il vise les personnes qu'il ne juge pas digne de continuer à vivre. Mais Valérie prend une balle et Nick se suicide. Blessée mais en vie, Valérie doit réapprendre à vivre avec une aura néfaste autour d'elle: ses parents qui se disputent, les camarades de lycée qui la tiennent pour responsable, les survivants blessés, défigurés, qui luttent. 

 

Jennifer Brown prend la plume pour traiter d'un sujet très courant aux Etats-Unis: les tueries de masse. En prenant en toile de fond un lycéen tourmenté, elle était sûre de parler à un grand nombre de lecteurs. J'ai beaucoup aimé l'approche qu'elle a eu, à savoir dépeindre un jeune homme blessé et dont on sent, petit à petit, la noirceur s'emparer de lui au point de le dévorer pour le conduire à cette décision brutale. 

 

"Je commençais à me demander quel était l'imposteur, la nouvelle Valérie ou l'ancienne, une question qui me taraudait depuis la tuerie, comme si je pouvais changer du jour au lendemain."

 

Valérie, la petite amie survivante m'a séduite au début, mais de moins en moins au fil des pages. J'ai trouvé son comportement parfois incohérent. Elle n'était pas assez effondrée par moment, et à d'autres, elle était trop dans le drame. Citons la mort de Nick. Sur ce sujet, j'ai eu le sentiment que cette perte glissait sur elle sans la toucher. Alors oui elle garde une photo, elle se remémore des souvenirs, mais pas de gros sanglots, de réelles interrogations sur le pourquoi, ni de réels regrets ou remords. Plus je tournais les pages, plus je la trouvais égoïste, et c'est sur la fin qu'un de ses amis lui a ouvert les yeux. Prenons aussi l'exemple de la fête au cours de laquelle survient un accident. Son attitude m'a surprise, elle semblait à la fois détachée tout en acceptant la situation, comme si elle était la victime unique de cette tuerie. Là encore, l'égoïsme est présent. Paradoxalement, le fait qu'elle ne pleure quasiment pas la mort de Nick, mais se remémore les souvenirs de sa vie avec lui, donne au meurtrier un côté plus humain; il a eu de bons moments, il était attentionné, drôle, cultivé, un peu paumé mais charmant. Je regrette toutefois cette absence d'émotion. Cela aurait, selon moi, rendu le récit plus vivant. 

 

La construction est très intéressante. On alterne aussi bien les coupures de presse que les chapitres narrés au passé ou au présent. On démarre d'ailleurs le roman avec une coupure de presse qui évoque la tuerie, puis nous faisons un saut dans le passé avec des épisodes flashback du bonheur amoureux, jusqu'à l'incident qui a déclenché la tuerie. Après quoi, nous poursuivons notre lecture dans la phase présente, pendant une année scolaire, année au cours de laquelle Valérie va passer du statut de coupable au statut de victime. Car elle est aussi une victime. 

 

Jennifer Brown aborde différents thèmes et si certains sont plus approfondis que d'autres, tous peuvent toucher le lecteur. L'un des thèmes majeurs est la notion de culpabilité. Valérie doit-elle se sentir coupable d'avoir écrit cette liste de la haine? Doit-elle se sentir coupable d'avoir survécu? Doit-elle se sentir coupable de ne pas avoir deviné les folies meurtrières de son petit ami? La culpabilité est donc l'un des trois thèmes majeurs. Cependant, toutes ces questions ne trouvent pas forcément de réponses. Et il est difficile en réalité d'y répondre. Oui, elle peut se sentir coupable d'avoir rédigé cette liste, mais qui n'a pas pensé, une petite seconde, à se venger de quelqu'un, sans aller jusqu'à le tuer, mais en lui souhaitant un malheur quelconque?

Ce qui nous conduit à nous demander si la seconde chance est illusoire ou permise. Valérie mérite t-elle une seconde chance pour avoir des amis? Peut-on laisser une seconde chance à celle qui décide que l'on devait mourir? Et Valérie, peut-elle laisser une seconde chance à ceux qui se sont moqués d'elle (et de Nick)? Et si Nick ne s'était pas suicidé, aurait-il eu le droit à une seconde chance? Sans trop se mouiller, Jennifer Brown prend le partie de répondre un grand oui. Oui, tout le monde mérite une seconde chance.

Il en découle de ce fait la notion de résilience et de pardon. Puisqu'il est impossible de savoir pourquoi Nick a fait ça, Valérie n'a d'autre choix que d'accepter et de continuer à vivre. En ayant toujours en elle des questions qui resteront sans réponses. Elle doit aussi accepter l'idée que ceux que Nick et elle haïssaient ne sont pas si mauvais que cela. Peut-être eux deux ont extrapolé des situations, ont mis tout le monde dans le même panier alors que leur haine ne concernait qu'un seul individu? Savoir pardonner pour aller de l'avant, voilà le message final que nous offre l'auteur.

 

En parlant de final, j'ai moyennement aimé la conclusion. En effet, je la trouve terne en comparaison de ce que Valérie a vécu pendant plus d'un an. De façon générale, c'est un peu le sentiment qui domine à la fin de ma lecture, cette absence d'émotion. Je l'ai dit précédemment, Valérie ne pleure pas Nick et j'ai eu l'impression, tout au long de ma lecture, qu'elle était aseptisée en terme d'émotion, de ressenti. Peut-être une carapace, mais une carapace qui aurait pu se fissurer un peu. 

 

Un dernier point sur les parents. On aime ou on n'aime pas la façon dont ils réagissent et se comportent, difficile à dire ce qui est juste. Il y a des fois où j'étais sidérée par certains propos, et d'autres où je comprenais. 

 

Il en résulte que Hate list est un roman percutant car contemporain. Les tueries de masse ne sont pas des faits isolés, mais très nombreuses aux Etats-Unis. J'ai aimé l'approche de l'auteur dans sa façon de rédiger son roman mais aussi dans sa façon d'explorer les survivants, notamment Valérie, et ce même si cela a été, selon moi, trop en surface. Je trouve dommage que nous n'ayons pas davantage de pages sur Nick, ses réelles motivations, ce qu'il espérait, ... et trop peu de pages aussi sur le vide qu'il a laissé aussi bien dans la vie de Valérie que dans celle de sa mère. 

 

Un roman à découvrir en raison des thèmes forts. 

 

Note: 15/20

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Commentaires: 2
  • #1

    Les lectures de Marinette (mardi, 07 novembre 2023 14:53)

    En lisant ta chronique, ça me remet un peu les détails de l'histoire en tête, car ma lecture remonte à plusieurs années. Le thème principal reste très marquant, c'est certain. Dommage pour le manque d'émotions ressenties, cela dit.

  • #2

    Les Mots de Gwen (mardi, 07 novembre 2023 16:04)

    Oui, le livre date un peu et tu l'as lu il y a un moment!
    Malgré le manque d'émotions, je ne regrette pas cette lecture. Il y a très longtemps que je voulais le lire, je suis contente de l'avoir découvert!