Delphine Coulin - Voir du pays

Deux filles, Aurore et Marine, reviennent d'Afghanistan. Elles y ont vécu six mois de tension, d'horreur, de peur. Elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, pour ce que l'armée appelle un «sas de décompression», où on va leur réapprendre à vivre normalement, à oublier la guerre, à coup de séances de débriefing collectif et cours d'aquagym, de soirées arrosées et de visites de sites archéologiques de la vieille Europe.

 Dans un décor de filles en maillots et de fêtes sur la plage, Aurore et Marine vont s'apercevoir qu'elles n'ont peut-être plus rien à perdre, et aller jusqu'au bout de la violence.

 

Mon avis :

 

Un roman à découvrir ! Avant d’en parler, je tiens à remercier les Editions Grasset pour cette très belle découverte.

 

Marine s’est engagée dans l’armée suite à la mort de son fiancé. Se sentant seule, sans sa meilleure amie avec laquelle elle a fait les quatre cents coups, Aurore la rejoint un an plus tard. Et un beau jour, elles sont envoyées en Afghanistan pendant 6 mois. Période qui prend fin avec un séjour de trois jours sur une île paradisiaque, un séjour qui se nomme "sas de décompression", mais qui va permettre aux deux filles de réaliser que la violence avec laquelle elles ont vécu pendant ces longs mois ne peut être laissée aux frontières de l’Afghanistan.

 

Ce roman, je l’ai lu quasiment d’une traite. Il est puissant, intense, incroyablement bien écrit et surtout, il ne laisse pas indifférent.

 

Voir du pays est un roman qui relate une période relativement récente, la guerre en Afghanistan. Une guerre qui certes a fait moins de morts que les deux conflits mondiaux, mais qui n’en est pas moins horrible de par le développement des armes. Mais selon moi, ce qui fait sa différence, c’est que les héros sont des héroïnes. On ne lit pour ainsi dire jamais ça ! Et c’est l’une des raisons qui m’a séduite. Si le texte est rédigé à la troisième personne, nous suivons de près - de très près même - Aurore. Une proximité plus que troublante dans la mesure où nous nous attendons à voir surgir un "je" à la place du "elle" et pourtant, malgré cette distance, nous pouvons presque souffrir ce que souffre Aurore.

 

L’histoire en elle-même se déroule à Chypre. Les soldats arrivent par dizaines, subissent des séances de débriefing, se reposent, … En réalité, l’armée désire qu’ils oublient ce qu’ils ont vu et repartent sur de nouvelles bases. Facile à dire - à envisager -, moins à faire. En parallèle de cela, nous avons des flash-back qui nous racontent la jeunesse de Marine et d’Aurore, des passages nécessaires et intéressants pour comprendre que leur amitié ne date pas d’hier, mais aussi pour cerner les personnages. Autre flash-back : des scènes qu’elles ont vécu sur le terrain, souvent relatées aux séances de débriefing qui doivent leur servir à exorciser ce qu’elles ont vécu. Des femmes dans un milieu d’hommes, l’auteure tombe à deux ou trois reprises dans ce que je nommerais la caricature, mais finalement, si le héros avait été un homme, nous aurions eu le droit à quelques moqueries sur les femmes présentes ! Du coup, je lui pardonne ces deux ou trois écarts ! Nos héroïnes doivent donc se battre à l’égal des hommes, et ce n’est pas toujours facile.

 

Seulement, ces six mois en enfer vont les briser. Et leur amitié va en souffrir. Il faudra un autre drame pour qu’elle renaisse de ses cendres. Là-bas, elles ont appris à tuer, pas toujours pour se défendre, mais pour survivre, tout simplement. Elles ont assisté à des horreurs, ont patienté des heures voire des jours dans l’attente d’un ordre, d’une attaque, ont dit au revoir à des hommes avec lesquels le matin encore elles parlaient, … Un jour, Aurore s’est demandé : "Qu’est-ce que je fais en Afghanistan ? (…) dans ce pays qui ne leur appartenait pas, où les gens ne voulaient pas d’eux et allaient les faire crever un par un jusqu’au dernier."

 

Mais si elles pensaient avoir vécu l’enfer, elles vont rapidement se rendre compte que l’enfer, c’est l’après. En effet, difficile de ne pas sursauter, de ne pas se méfier, de rencontrer de nouvelles personnes, de dire ce que l’on fait dans la vie. Et ce, malgré les séances de relaxation. Difficile aussi de fermer les yeux sans voir les horreurs. Elles vont réaliser que la violence est entrée en elles, prête à resurgir à la moindre menace, prête à tuer si besoin est. Finalement, ces trois jours ne peuvent pas permettre d’oublier ce qui est ancré dans leurs chairs et leurs mémoires.

 

Le roman n’est pas horrible à lire dans le genre thriller plein de sang. Bien sûr, il y a quelques scènes, mais vraiment peu au regard du nombre de pages. Et pourtant, c’est un roman bouleversant en raison des émotions qui s’en dégagent. Des émotions que l’on peut difficilement imaginer, à moins d’avoir fait la guerre, mais que l’on peut essayer de comprendre et d’assimiler ; et réaliser que quoi que l’on fasse, la guerre ne s’effacera jamais.

 

Petit point sur les deux personnages : Aurore, attendrissante par son amitié sans limites, sa douceur, sa gentillesse et sa volonté de satisfaire à tous. Marine, j’ai eu beaucoup plus de mal à la cerner ; je ne comprenais pas son attitude, sa façon de se renfermer et de laisser sa meilleure amie de côté. En fait, elle m’a même agacée par moment !

 

Vous l’avez compris, j’ai adoré Voir du pays ! La plume de Delphine Coulin est fluide, chargée d’émotions, on se régale malgré le sujet plus que délicat.

 

Note : 20/20

Coup de cœur !

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Commentaires: 8
  • #1

    Fransoaz (dimanche, 27 mars 2016 16:21)

    (commentaire du 07 septembre 2013, 16h52)
    De cette auteure j'avais profondément Les traces, je suis ravie qu'elle "revienne" avec un livre qui a une si bonne presse; ma libraire préférée est aussi élogieuse que toi.

  • #2

    DaisyLusion (dimanche, 27 mars 2016 16:21)

    (commentaire du 07 septembre 2013, 16h56)
    Coucou,
    Un livre qui pourrait peut-être m'intéresser. Merci beaucoup pour ton avis.
    Bises

  • #3

    sylire (dimanche, 27 mars 2016 16:22)

    (commentaire du 08 septembre 2013, 10h20)
    Je n'ai jamais lue cette auteure mais ce que tu dis de ce livre me fait le noter immédiatement !

  • #4

    Les Mots de Gwen (dimanche, 27 mars 2016 16:22)

    (commentaire du 08 septembre 2013, 16h55)
    Je vous le confirme: un très bon livre! Après sa lecture, on se pose plein de questions, entre autre de savoir si ce qu'elle narre est réel... Fransoaz, si ta libraire est du même avis, je ne peux que te dire FONCE :)

    Bises à vous!

  • #5

    Cess666 (dimanche, 27 mars 2016 16:23)

    (commentaire du 11 septembre 2013, 11h09)
    Avec un tel billet, comment ne pas noter ? :)

  • #6

    Les Mots de Gwen (dimanche, 27 mars 2016 16:23)

    (commentaire du 11 septembre 2013, 19h11)
    C'est exactement ce que je me dis ;)

  • #7

    Stellade (dimanche, 27 mars 2016 16:24)

    (commentaire du 21 décembre 2013, 12h53)
    Tu as très bien retranscrit l'ambiance et le fond de ce roman.Des émotions intenses ressortent de ce roman. Wahou, j'ai eu le souffle court bien souvent.

  • #8

    Les Mots de Gwen (dimanche, 27 mars 2016 16:25)

    (commentaire du 24 décembre 2013, 17h54)
    Merci à toi pour ta visite :) Je vois que l'on a ressenti les mêmes choses !!