Subtile, nerveuse, dérangeante, Ann Beattie est une observatrice magistrale de l’éclatement de la famille américaine.
Les textes inclus dans ce recueil couvrent une génération, de la fin de la guerre du Vietnam à l’après 11 Septembre.
Au fil des années, l’auteure promène son regard aigu et sarcastique sur le pays et observe la vie des Américains, décortiquant les rapports entre les gens, en société ou dans le cadre de leur vie privée, entraînant le lecteur dans la traversée d’une époque passionnante où tant de choses ont changé aux États-Unis et dans le monde.
Mon avis :
Les Editions Christian Bourgois (que je remercie pour m’avoir permis de découvrir Ann Beattie) viennent de publier ce recueil de nouvelles. Nouvelles du New Yorker est un recueil qui comprend seize nouvelles, tantôt tristes, tantôt amusantes, parfois pathétiques. Au travers de ses nouvelles, Ann Beattie explore l’être humain, l’observe, sans porter de jugement.
Survolant toute une génération - de 1974 à 2004 -, des pavillons à la pelouse parfaitement tondue dans le Vermont ou encore au cœur des appartements new yorkais, Ann Beattie dépeint la vie de personnes qui se cherchent, cherchent l’amour mais apprécient la solitude, désirent vivre tout en faisant face à la mort. La période a son importance dans la mesure où au fil de ses nouvelles, nous voyons les mentalités évoluer, le sida faire son apparition, internet aussi, tout comme Alzheimer. Il est amusant de lire les nouvelles sans en connaître la date de publication (celle-ci étant inscrite à la fin) et de voir l’évolution des tenues vestimentaires, du comportement que l’homme adopte avec la femme, de mode de vie, … J’ai envie de dire que certaines choses ne changent pas en quarante ans. Avec sa plume, Ann Beattie est en quelque sorte un témoin de cette Amérique, elle l’observe, la décortique dans tout ce qu’il y a de plus personnel ; comme si elle ne faisait qu’un avec ses personnages et ainsi nous permettre de nous plonger, pendant quelques pages, au sein de leurs vies.
Cependant, si les histoires diffèrent de par leur époque et leur contenu, le fil conducteur qui reste commun à chacune des seize nouvelles - et qu’Ann Beattie se plaît à observer - c’est la difficulté de vivre à deux et par conséquent, de fonder une famille. Les quelques nouvelles qui relatent l’histoire d’une famille concernent en réalité une famille éclatée. Des ruptures, des secrets, des amants, des hommes, des femmes, … tous vivent une véritable débâcle émotionnelle et se retrouvent laissés pour compte tels des naufragés de l’amour qui, coûte que coûte, tentent de s’accrocher à quelque chose : la visite d’une voisine alors que sa femme est partie, une veuve qui accepte de vivre avec un voisin car à leurs âges, seul le fait d’être compatibles compte, …
Certaines nouvelles font sourire, d’autres moins. Nous lisons des situations franchement cocasses, parfois pathétiques et amusantes, mais la profondeur de la solitude qui émane de chaque protagoniste - et l’empathie faisant son travail - nous sommes comme concernés par ce qu’ils vivent. On s’imagine ce que nous ferions à leur place, comment réagirions-nous ? Chaque "cas" est abordé avec beaucoup de délicatesse, voire une certaine tendresse (comme si Ann Beattie était désolée de voir ce qui arrive à Mitch et les autres) ce qui est touchant et désarmant dans la mesure où c’est justement l’absence d’attachements et de réelles relations (amoureuses ou pas) qui ponctuent les récits.
Si Ann Beattie est peu connue chez nous, de l’autre côté de l’Atlantique, son nom est associé au succès. Admirée pour sa plume, elle mérite un succès de la même ampleur dans l’hexagone !
Note: 15/20
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