Opportunity School, Alabama. Les élèves sont réunis pour écouter leur directrice. Mais lorsque le discours s’achève, l’un d’entre eux, Tyler Browne, verrouille les portes et tire sur la foule.
Commencent alors cinquante-quatre minutes de massacre, cinquante-quatre minutes glaçantes racontées dans les messages des victimes à leurs proches et par quatre élèves, à l’intérieur et à l’extérieur de la salle.
Tous ont un lien avec Tyler : Claire, son ex-petite amie, Autumn, sa propre sœur, Sylvia, la petite amie d’Autumn et le frère de celle-ci, Thomas.
Cinquante-quatre minutes pendant lesquelles Tyler force ses otages terrorisés à l’écouter se plaindre. Il n’a jamais été aimé, ni par sa petite amie Claire, ni par son père violent et alcoolique, et encore moins par sa sœur Autumn, à laquelle il ne pardonne pas de vouloir partir à New York pour être danseuse.
Mais loin d’être une victime, Tyler est avant tout un psychopathe, qui assassine trente-neuf personnes.
Mon avis:
Ce roman traite d'un sujet, hélas, très courant aux Etats-Unis : les tueries de masse en milieu scolaire.
Le résumé étant complet, je ne vais pas vous en réécrire un autre, d'autant plus que le pitch est plutôt simple puisqu'il s'agit d'un garçon, Tyler, qui ouvre le feu sur ses camarades. Parlons plutôt de la forme et du fond.
Je vous avoue que malgré l'horreur de l'histoire, on ne peut pas s'arrêter de la lire. Pourquoi ? Car on veut savoir ce qui a amené Tyler à commettre cet acte, mais aussi savoir qui sera abattu et qui s'en sortira. La construction du roman nous permet d'aborder la tuerie selon différents points de vue. Nous avons Autumn (la sœur de Tyler) qui est dans l'auditorium et tente de raisonner son frère ; Sylvia (la petite copine d'Autumn) qui réalise qu'elle est une des cibles principales ; Claire, qui se trouve à l'extérieur mais qui sait que son frère est dans l'auditorium ; Tomàs, le frère de Sylvia qui, avec l'aide de Fareed, va tenter d'ouvrir les portes. Tous ces points de vue sont nécessaires pour nous permettre de mieux comprendre la situation puisque chacun des protagonistes ayant un lien avec le tueur, on perçoit la descente aux enfers de Tyler et le petit truc qui met le feu au poudre, si je puis-dire. Un incident en apparence banale mais qui dévaste le jeune homme déjà fragile. Et là, il n'y a pas un incident, mais une succession d'incidents qui ont un seul et même point commun. Je ne vous en dirai pas plus !
J'ai donc aimé cette alternance de points de vue, cela met aussi en évidence le fait que nous jouons tous un rôle dans la vie, que nous avons des impacts parfois insoupçonnés dans celle des autres. Entrer dans la tête des protagonistes fut intéressant, mais je dois avouer qu'il me manque une immersion : Tyler. En effet, j'aurais aimé entrer dans sa tête et le comprendre. Savoir ce qu'il ressent en paradant sur la scène et abattant telle ou telle personne ; son objectif ? ; ses revendications réelles ? On le sait, il veut être entendu, mais cette idée est trop peu exploitée selon moi, j'aurais aimé entendre ses souffrances et non les lire au travers d'un dialogue entre sa sœur et lui.
Les émotions sont malgré tout présentes. En toute honnêteté, on peut aisément avoir les larmes aux yeux quand on lit les suppliques d'un personnage ou quand on lit la désinvolture avec laquelle Tyler tire, l'absence total de remords qui fait de lui un être d'apparence sans cœur. Et la peur, surtout, cette peur qui saisi chaque personnage, cette peur qui paralyse. C'est un huis-clos (presque) oppressant.
"Il n'y a pas de mots en cet instant entre espoir et savoir. Il n'y a aucun moyen d'exprimer la façon dont un cœur peut exploser et se briser en même temps (...)"
Sur le plan de l'écriture à proprement parlé, le roman possède quelques faiblesses, mais rien qui n'entache la lecture et n'efface cette oppression dont je parlais précédemment. J'ai simplement le sentiment qu'il aurait pu être davantage abouti dans le sens où certains passages méritaient un développement. L'écriture, je ne peux pas trop en parler puisque le roman est traduit, mais elle a su retranscrire une tension dans sa plume.
Bien qu'il date de 2017 pour l'édition française, il est très contemporain en raison des thèmes abordés : homosexualité, différences culturelles, ambitions. l'auteur aborde des thèmes forts qui, pour 2017, sont percutants.
Percutants comme ce roman que l'on lit et que l'on vit comme une claque littéraire tant le sujet est fort. 54 minutes d'un sang-froid incroyable, 54 minutes pendant lesquelles Tyler va abattre trente-neuf personnes (c'est un mort toutes les 1m30 environ), 54 minutes qui mettent en avant la fragilité d'un garçon qui n'a jamais accepté une situation, 54 minutes d'une errance psychologique pour Tyler qui semble ne pas suivre de plan réel si ce n'est de se faire entendre, 54 minutes d'une vie qui vole en éclats, que l'on ait survécu, que l'on ait été blessé, que l'on ait perdu quelqu'un, 54 minutes glaçantes.
Et en cela, le roman est intéressant car il soulève bien des questions : comment faire son deuil sans ressentir la culpabilité d'être encore en vie ? Peut-on pardonner ? Comment continuer à vivre ? Peut-on seulement survire après avoir échappé à un massacre ? Sommes-nous réellement attentifs à ceux qui nous entourent ? Ne perçoit-on pas les signes avant-coureur ?
Sans répondre, l'auteur nous offre une scène finale qui apporte des bribes de possibles réponses.
Note : 18/20
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Exuline (lundi, 24 juin 2024 15:00)
c'est un roman que j'aimerai lire et ton retour me conforte dans mon idée. Merci pour ton partage très riche.
Les Mots de Gwen (samedi, 29 juin 2024 17:16)
Je ne peux que te conseiller de le lire, tu ne le regretteras pas.